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La Gauche : Dans une précédente interview, tu soulignais l’importance et l’urgence d’un rassemblement de gauche anticapitaliste, qui puisse se positionner sur le terrain politique et électoral. Cette aspiration, tu la voyais également au coeur de l’appel du 1er mai 2012 de la FGTB de Charleroi. Comment considères-tu le rassemblement et la liste PTB-GO (gauche d’ouverture avec la LCR, le PC et des indépendants) pour les élections du 25 mai prochain ?

Laurent Pirnay : Je vois cette initiative sur le terrain politique comme une réponse à un malaise profond et croissant dans notre société et comme une démarche qui peut, sur le terrain politique parlementaire, relayer et porter les aspirations, les revendications de bon nombre de travailleur/euse/s. Depuis quelques temps déjà, il n’est plus honteux de se revendiquer anticapitaliste.  Cette évolution des mentalités permet de penser, enfin,  une véritable alternative au système capitaliste.   Ce message de rupture, il appartient à la FGTB de le porter sur le terrain syndical et aux partis qui s’inscrivent dans « la gauche de la gauche » sur le terrain politique.

La Gauche : Il y en a qui disent que, dans cette campagne électorale, l’initiative PTB-GO divise la gauche, fait le jeu de la NVA, du MR ou pire encore de l’extrême-droite. Ces propos, on les entend surtout dans les rangs du PS.

Laurent Pirnay : C’est d’abord aux porteurs de cette liste de répondre à ces propos et ils ne manquent pas d’arguments pour le faire. Je considère que ce genre de propos tenus à l’égard d’un parti et d’un tel rassemblement politique de gauche renvoie à une malhonnêteté intellectuelle crasse et permet à certains de faire l’économie d’un débat sur le pourquoi et l’importance de la création d’une telle liste à la gauche du PS et d’Ecolo.

La Gauche : Un comité de soutien à la liste PTB-Go s’est créé avec des personnalités du monde journalistique, universitaire, culturel et même des personnalités issues du mouvement syndical. Elles ont lancé un appel : « Il est des rendez-vous qu’il ne faut pas manquer ». La présence d’élu/e/s de cette liste  serait-elle importante pour le mouvement syndical ?

Laurent Pirnay : Je tiens d’abord à préciser que c’est en toute indépendance par rapport aux partis politiques que l’organisation syndicale, la FGTB en l’occurrence, définit son agenda, son activité et cela en réponse aux besoins de ses affilié/e/s.. Je considère cependant comme important le fait qu’il y ait, au sein des parlements, une expression politique des aspirations, des revendications, des alternatives anticapitalistes, portées par des organisations politiques de la gauche de gauche, mais aussi par militant/e/s qui sont dans d’autres partis , comme le PS ou Ecolo.

Je n’ai  cependant pas à  donner de consigne de vote pour le 25 mai : qui suis-je pour me permettre cela ? Mon organisation syndicale n’a pas à en donner non plus, si ce n’est : pas une voix à la droite et l’extrême-droite ! Mes camarades savent que je suis un homme de gauche, avec des valeurs de gauche. Mes choix et mes options politiques individuels ne doivent pas nuire à l’action collective, syndicale.

Quand je serai le 25 mai, dans l’isoloir, je ferai mon choix en fonction du bilan personnel que je tirerai de l’action  gouvernementale et du projet de société auquel j’aspire. Parmi les possibilités qui s’offrent à moi, je voterai avec l’objectif de renforcer la gauche, mais le choix que je poserai pour y parvenir m’est personnel. Certains de mes camarades syndicalistes diront : « Pour renforcer la gauche, il faut renforcer la gauche de gouvernement ». D’autres diront : «Il faut renforcer la gauche de gauche et lui permettre d’avoir des élu/e/s pour appuyer les revendications et les luttes du monde du travail et encourager la gauche syndicale ». Et en ce qui me concerne, cela ne me regarde pas. Seuls comptent les combats syndicaux que nous mènerons ensemble.

L’indépendance syndicale s’inscrit aussi, et c’est important de le rappeler avec force, dans la volonté de rassembler l’ensemble du monde du travail et, pour ce faire, il faut éviter de faire rentrer des querelles partisanes au sein de la FGTB.  Le 25 mai n’est pas une échéance syndicale mais bien une échéance citoyenne.

La Gauche : Après le 25 mai, comme tu le soulignais déjà dans une précédente interview, il faudra poursuivre la construction et le développement d’une nouvelle force politique anticapitaliste, unitaire. Que pourrais-tu proposer concrètement pour cela ? Quel rôle les syndicalistes pourraient-ils jouer dans ce processus ?

Laurent Pirnay :

Comme je n’accepterais pas qu’un parti politique « conseille » la FGTB sur ce qu’elle doit faire, je ne vais pas me permettre de le faire envers un parti politique.

Pour moi, l’échéance syndicale la plus importante, celle à ne pas manquer, c’est « l’après 25 mai ».  Car, nous savons, d’ores et déjà, que, sans rupture, les politiques d’austérité vont se poursuivre encore plusieurs années.  Il s’agit donc de savoir quel rapport de force nous souhaitons installer pour contrer ces mesures mais aussi pour proposer notre propre projet de société.  A cet égard, le Congrès de la FGTB sera d’une importance capitale.  Il importe que cela soit un Congrès idéologique qui réaffirme de manière forte notre projet de société et ravive des principes importants tels que le contre-pouvoir et l’indépendance syndicale.  A titre personnel, c’est cela la priorité, c’est sur cela qu’il faut rassembler !

En Belgique, on n’a jamais produit autant de richesses et elles n’ont jamais été aussi mal réparties. Cela devrait être le point de départ. D’ores et déjà, nous avons, dans nos structures régionales, professionnelles et interprofessionnelles, dans les différentes Centrales  suffisamment de propositions pour élaborer ce programme anticapitaliste. Il n’y pas seulement « les 10 objectifs d’un programme anticapitaliste d’urgence, élaboré par la FGTB Charleroi-Sud Hainaut », un document très important ! Nous devons nous mettre très vite d’accord sur la signification, la portée, l’objectif de ce congrès FGTB d’automne.

Le débat sur la forme que prendra la FGTB peut attendre, pour moi, c’est le fond qui importe et qui permet de rassembler.  Personnellement, je considère que le fond doit définir la forme et non l’inverse.

Une chose est évidente, au-delà des belles promesses électorales, le prochain gouvernement va continuer l’offensive d’austérité contre le monde du travail. Le vote du dernier traité budgétaire européen (TSCG) par tous les partis impliqués dans les coalitions fédérale, régionales et communautaires en fut encore une belle démonstration. Les mesures d’austérité sont d’ores et déjà planifiées pour une 20aine d’années.

Si on est socialiste- je veux dire du PS-, il y a des choses, me semble-t-il qu’on ne peut accepter. Lors de la formation du gouvernement actuel, si j’avais été membre du PS (mais je ne suis membres d’aucun parti), face aux décisions de la coalition gouvernementale contre les chômeurs, pour le blocage des salaires, j’aurais voté, au sein de mon USC, contre la participation du PS au gouvernement. Quand un gouvernement  décrète le blocage des salaires, accélère l’expulsion des sans-papiers, Afghans et autres, programme l’exclusion du chômage de 55000 personnes et la dégressivité des allocations jusqu’à un plancher situé en-dessous du seuil de pauvreté, alors, si on se prétend socialiste, il y a des choix à faire. Il y a une ligne de démarcation entre compromis et compromission, pour un parti qui se dit et se revendique de la gauche. Alors, quitter le gouvernement, rester dans l’opposition serait une décision cohérente pour renforcer l’ensemble de la gauche et son rapport de force

Mais,  indépendance syndicale ne veut pas dire apolitisme. Comme le souligne la déclaration de principes de la FGTB (1945), nous  luttons contre le pouvoir d’une minorité capitaliste et pour le pouvoir aux travailleurs et aux travailleuses. C’est pourquoi, je me retrouve dans l’appel du 1er mai 2012 de la FGTB de Charleroi pour un large rassemblement de gauche anticapitaliste à la gauche du PS et d’Ecolo, un grand mouvement politique de gauche, d’ouverture, pluraliste. Raison pour laquelle, après le 25 mai, j’attends, comme citoyen, que la Gauche d’Ouverture puisse se développer et que ce rassemblement PTB-GO, piloté par le PTB fasse la preuve que cette démarche pour les élections n’est pas une simple opération électorale, mais impulse, sans exclusive et guerre de chapelles, la construction de ce mouvement anticapitaliste large dont nous avons tellement besoin dans la lutte du Travail contre le Capital.

(Interview réalisée par Denis Horman pour La Gauche)